RIEN N’A ÉTÉ PERDU traite du destin du Sarah Baartman (1789-1816), une femme d’Afrique du Sud d’origine Khoisan connue sous le nom de la Vénus hottentote. L’année dernière, ses restes ont été rapatriés en Afrique du Sud pour y être enterrés, soit près de deux cents ans après son décès à Paris. C’est en 1810 que Sarah avait été emmenée en Europe par un médecin de la Marine puis vendue à un dompteur d’animaux dans un cirque et exhibée comme un monstre à Londres et à Paris. À cette époque, le scientifique français renommé Georges Cuvier avait proclamé que Sarah Baartman était la preuve vivante de l’existence du chaînon manquant entre la forme la plus évoluée du règne
animal et la forme la plus élémentaire de l’espèce humaine.

À la mort de Sarah en 1816, Cuvier fit un moulage en plâtre de son corps au complet et conserva son squelette ; il mit son cerveau et ses organes génitaux en bocaux, et ils furent exposés au Musée de l’Homme à Paris jusqu’en 1976. Il y a quelques années, le Musée déclara de façon mensongère que ces restes avaient été détruits dans un feu et étaient définitivement perdus. Cependant, sous la pression du Sénat français qui venait de passer une loi permettant leur rapatriement, le Musée fut obligé d’avouer publiquement qu’en fait, « rien n’a été perdu ». Au moment de rendre le squelette, le cerveau et les organes génitaux de Sarah qui étaient en leur possession pour procéder à leur rapatriement en Afrique du Sud, les scientifiques du Musée décidèrent néanmoins de garder le moulage du corps, prétextant qu’il était trop fragile pour supporter le transport. Ce moulage en pied est actuellement conservé dans un caisson de transport en bois et pudiquement enveloppé d’une sorte de paréo mauve, au troisième étage du Musée, encore aujourd’hui.

RIEN N’A ÉTÉ PERDU dénonce les attentes et les spéculations développées à l’égard de la Vénus hottentote. À l’encontre de ces attentes, l’exposition de Mara Verna ne montre jamais d’images de la Vénus hottentote. L’artiste reconstruit plutôt son histoire à partir d’éléments receuillis lors d’un séjour en Afrique du Sud et en France. Rendant compte des règnes du silence et du déni ainsi que de la puissance de la représentation, cette exposition veut oeuvrer comme témoin.

Biographie
« Le travail de Mara Verna offre un excellent exemple de l’art à l’oeuvre. Depuis l’obtention de son B.F.A. à l’université Concordia, elle a participé à des expositions solo, des expositions de groupe et des festivals en Afrique du Sud, au Canada, et tout récemment en France. Mara Verna a été conférencière à l’université de Cape Town, au Centre sud-africain de la photographie, à l’Université Witwatersrand, à l’École nationale supérieure de Paris, et à l’Université Concordia. Elle a été invitée dans divers collectifs d’artistes, et a participé à des résidences et des workshops, incluant notamment Public Eye (Cape Town), The Bag Factory (Johannesburg) et Les Inclassables (Paris).
Mara Verna travaille dans le champ de l’art publique et réalise simultanément des documents performatifs. Son travail engage un dialogue avec les spectateurs, c’est-à-dire « nous » -- les membres de la société --, non pas pour nous calmer ou nous apaiser, mais pour poser ses propres questions ».
Koulla Xinisteris