Du 19 octobre 2012 au 28 octobre 2012
Les Yeux de Genesis Breyer P-Orridge
Genesis Breyer P-Orridge
Exposition 19 octobre au 28 octobre, 2012
Opening vendredi 19 octobre, 19h
Depuis quarante ans, Genesis Breyer P-Orridge poursuit une pratique que l'on pourrait décrire d'incontournable. Se positionnant — au mieux des traditions occultes — à un croisement où l'art, la culture populaire, le politique et la spiritualité se rencontrent et s'hybrident. La pratique hétéroclite et complexe de Breyer P-Orridge fait éclater les tabous, elle ouvre le discours culturel et simultanément influence depuis des générations.
À l'aide de collages, de performances, de modifications corporelles, de sculptures, de vidéos, d'écriture, de musiques et d'art sonore, le corpus de l'artiste a attiré l'attention, la discussion, l'admiration et, à plus d'une occasion, la censure. Son œuvre a été présentée à maintes reprises à travers le monde. Les yeux de Genesis Breyer P-Orrdige, commissarié par Mathieu Beauséjour et Peter Dubé, est la première exposition Montréalaise de l'artiste et offre une occasion unique de découvrir le travail de ce créateur visionnaire.
Le festival Phénomena, en collaboration avec le Festival du nouveau cinéma et la galerie La Centrale, accueille Genesis Breyer P-Orridge et trois événements sont organisés autour de cette rare visite à Montréal: l'exposition Les Yeux de Genesis Breyer P-Orridge, le spectacle de Thee Majesty, samedi 20 octobre, dans le cadre du festival Phénomena et le fim The Ballad of Genesis and Lady Jaye, en première dimanche 21 octobre à 13h, dans le cadre de Festival du nouveau cinéma. ( en présence de la réalisatrice Marie Losier et de Genesis Breyer P-Orridge)
Essaie par co-commissaire Peter Dubé
Les Yeux de Genesis Breyer P-Orridge
Si le fameux aphorisme de Korzybski « une carte n’est pas le territoire » a la renommée qu’il doit évidemment avoir, c’est finalement dû, en partie, au fait qu’il peut utilement référer à toute une gamme de cartographies, généalogies et récits (et il nous rejoint nécessairement; les variations de cette idée occupent une place importante dans une bonne partie de la critique contemporaine). Toutefois, le corollaire de cette extensibilité est cette sorte de responsabilité morale et intellectuelle qui nous incombe en tant qu’artistes, auteurs, intellectuels ou citoyens et qui nous invite à naviguer prudemment, lisant et relisant ces cartographies, les prenant à part et les recréant quand cela est nécessaire. Parce que ces « cartes » sont ce que nous avons et que le territoire est une chose tout à fait impossible à comprendre dans son intégralité. Seuls quelques-uns ont pris cette responsabilité plus sérieusement que ne l’a fait Genesis Breyer P-Orridge.
Au cours de sa carrière couvrant plus de quarante ans, Breyer P-Orridge a indiqué et a questionné par ses investigations spirituelles et visionnaires toute sorte de constructions avec une intense réflexion et une application révélatrice du « cut-up», un outil qu’ils* empruntent à William S. Burroughs, qui l’a développé en collaboration avec Brion Gysin dans le but précis de démanteler les vastes récits culturels de toutes les facettes du pouvoir. Sa technique analytique (dans tous les sens du terme) radicale, originalement envisagée comme un découpage littéral et un nouvel assemblage de textes imprimés, a été élargie et adaptée par Breyer P-Orridge. Élargissant le centre d’intérêt du cut-up par le démantèlement du phénomène qui apparaît naturalisé (langage, média), ils prennent à part et recombinent les actions et tabous, rituels et rôles sociaux avec Coum Tranmissions, les catégories et les limites du « son », du « bruit » et de la « musique » ainsi que de l’«industrie » de la pop avec Throbbing Gristle et une foule d’autres remparts de la culture et du « contrôle » avec d’autres collaborateurs et groupes. Mais, ce qui reste constant dans la pratique de Breyer P-Orridge – de ses actions, du mail art au collage et à la vidéo et du rock’n’roll à la magie(k) -, c’est cet accent mis sur les interstices non pas comme espace vide, mais comme espace de rencontre. Un espace dans lequel des choses apparemment différentes se rencontrent et se reconfigurent dans un processus que beaucoup décrivent comme alchimique. Et, certainement, sa récente pratique d’un art corporel visuel et « Pandrogyne » met en avant-plan cette investigation dans une éblouissante et mouvante exploration de la nature, de la fonction et du statut de genre, et bien sûr de l’identité elle-même.
Bien évidemment une pratique artistique aussi dédiée à brouiller les catégories a présenté un certain nombre de défis pour ceux qui fabriquent les « cartes » et généalogies de l’histoire de l’art elle-même. Faire face à un créateur dont les pratiques, tout au long de plusieurs décennies, a invariablement combiné la fragmentation d’un nouveau terrain avec une synthèse critique aigüe d’une/des culture/s underground qui condamnent les débats à propos de la frontière entre cultures « élitiste » et « populaire » à un manque de pertinence bien méritée – quelques critiques hésitent. Bien que son travail soit très discuté et admiré, l’artiste a reçu –peut être- une attention moins sérieuse, moins assidue qu’il mérite. Il s’agit d’une grave omission, encore une dans la carte « officielle » qui semble loin de couvrir le territoire culturel. Ces espaces complexes et vitaux sont difficiles à réduire à des contours et notations. De plus, toute carte dans laquelle aucun espace ne peut être conçu pour ce type d’Éden perverti extravagant, dangereux et souriant vers lequel tend Breyer P-Orridge ne peut, comme Oscar Wilde l’a écrit une fois, qu’être estimé au-dessous de sa valeur. Aussi, Les yeux de Genesis Breyer P-Orridge proposent aux Montréalais, nous espérons, une opportunité unique de découvrir pour eux-mêmes cette fabuleuse destination.
Peter Dubé, co-commissaire
*L’utilisation du pluriel en référence à Breyer P-Orridge est délibérée.